L’annonce de l’implantation d’un méthaniseur en 2019 aux abords du village de Languenan (Côtes-d’Armor) a sonné l’alerte. Depuis, le collectif d’habitants devenu l’association Du Frémur à l’Arguenon milite pour empêcher sa construction. Avec une difficulté : la durée du combat, propre à essouffler leurs ardeurs.
Sur un mur du tout petit bourg de Plessix-Balisson (Côtes-d’Armor), les lettres rouges et vertes en capitale d’une banderole mettent en garde : « Languenan doit dire non à l’usine à gaz. Nous voulons un air pur, pas de gaz irritants ou dangereux pour la santé ». Dans cet arrière-pays de la côte d’Émeraude, en Bretagne, les affiches du genre ont fleuri en 2021. Leurs auteurs et autrices ? Les membres de l’association Du Frémur à l’Arguenon, forte d’une centaine d’habitants des alentours.
En 2019, ils ont appris qu’un méthaniseur devait voir le jour à un kilomètre de là, au bord d’une départementale, dans la commune voisine de Languenan. Cette structure souhaitant traiter 27 800 tonnes d’intrants par an est portée par la société Verts-Sapins, composée de dix agriculteurs. « Un jour de fin d’année, une personne nous a alertés du projet. On a alors remarqué le panneau du permis de construire devant le champ, ce qui voulait dire que c’était déjà bien avancé », se rappelle Marie-Charlotte Touati, un soir de novembre 2024, dans une salle des fêtes où elle a réuni une dizaine d’adhérents de Du Frémur à l’Arguenon.
La volubile ingénieure agronome, 41 printemps au compteur, préside l’association et mène, depuis son commencement, une lutte acharnée pour empêcher la réalisation de l’usine. Elle considère le projet néfaste tant sur le plan environnemental qu’économique. Et déplore aussi bien la pollution de l’air, de l’eau, la multiplication de la circulation de tracteurs ou la dépendance à une quantité de déchets pour produire de l’énergie qu’un tel méthaniseur engendrerait. Elle n’était pas la seule à effectuer ce constat.
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Du bouche-à-oreille à la sensibilisation
C’est ainsi qu’a commencé la mobilisation, dans la commune de Languenan et son millier d’habitants, mais également à Plessix-Balisson et à Ploubalay, juste à côté. Le secteur, certes plutôt rural, bénéficie d’un avantage : les nouvelles circulent vite. À l’épicerie ou au bar-tabac, en se baladant et en rencontrant des voisins, le bouche-à-oreille a donné naissance à un collectif d’opposants.
Ils ont tout de suite échangé par mails et via les réseaux sociaux. « J’ai été sensibilisée sur le sujet de la méthanisation et de ses dangers environnementaux par ma fille. J’ai été effarée d’apprendre qu’il y avait un projet si proche de chez moi », rembobine par exemple Christine Chaignon, qui vit dans le bourg de Languenan et a rejoint la lutte dès le début.
Les membres du collectif se sont empressés de communiquer pour fédérer autour d’eux, déçus d’obtenir si peu d’informations de la part des instances locales. Ils ont ainsi effectué une distribution de flyers dans toutes les boîtes aux lettres. « J’ai également animé des réunions publiques pour expliquer l’impact que pouvait avoir le méthaniseur à Languenan ainsi que dans les autres communes et jusqu’au littoral », ajoute Marie-Charlotte Touati.
Celle qui a tout de suite pris la place de leadeuse du mouvement affirme la nécessité d’un tel partage de savoirs, au point de s’être abonnée à quantité de magazines agricoles pour suivre l’actualité de la méthanisation. En face d’elle, Hervé Salaün, retraité, approuve la démarche de sensibilisation : « Sinon, on vous rétorque que vous ne vous y connaissez pas, que vous n’êtes pas du milieu. »
Se rendre présent, tout le temps
Les citoyens opposants de 40 à 75 ans se sont vite aperçus d’une autre « nécessité » pour poursuivre la mobilisation dans le temps : une présence publique permanente. Différents membres se souviennent de conseils municipaux tendus auxquels ils participaient pour observer les débats suscités par le projet.
Mais pour inscrire définitivement leur combat dans le paysage local marqué par le productivisme agricole et la caricature d’une guerre entre « agris » et « bobos », ils ont fait le choix des grandes actions. Keith Cooper, résident dans le bourg de Languenan, a mené l’opération pétition. « On était plusieurs à la distribuer. Ce n’était pas facile, car aujourd’hui les gens sont barricadés dans leurs maisons », se rappelle le retraité dans son pull de Noël. 150 personnes ont signé le document, remis au maire de Languenan.
En 2021, les membres de l’association ont par ailleurs organisé plusieurs manifestations. Plus de 250 sympathisants à leur cause ont afflué dans les rues de Languenan ou devant la sous-préfecture de Dinan durant ces rendez-vous festifs et vindicatifs. Des élus comme Daniel Cueff, ex premier édile de Langouët (Ille-et-Vilaine) connu pour son arrêté anti-pesticides, avaient fait le déplacement.
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Ne pas s’essouffler
Reste que trois années ont passé. Le collectif est devenu association pour porter le combat en justice dans le but d’empêcher la construction de l’usine de méthanisation. Elle a organisé, depuis, plusieurs campagnes de dons et d’adhésion pour soutenir financièrement ce nouveau volet de l’action. « Et pour la lecture des dossiers, on s’est partagé le boulot à trois », indique Hervé Franceschi, qui vit à Ploubalay et a rejoint Du Frémur à l’Arguenon parce qu’il considère le projet de méthaniseur comme une « aberration ».
Mais face au temps qui passe et s’allonge, toute la difficulté de Du Frémur à l’Arguenon est de rester mobilisée. Les verdicts du tribunal administratif de Rennes concernant le permis de construire et l’arrêté de l’Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) peinent à arriver. « J’étais très présente dans les conseils municipaux de Languenan et dans la vie de la commune, mais j’ai un peu décroché », reconnaît Christine Chaignon dans la discussion.
Pas de quoi estomper la pugnacité de Marie-Charlotte Touati, toujours prête à dégainer ses arguments contre le projet de production de gaz. Elle lance à l’assemblée, admirative de son ardeur : « Même si le méthaniseur voit le jour, on fera des analyses. Et si demain, il y a un accident, qu’on découvre des tas de poissons morts dans la rivière, on sera là ! » Après tout, la banderole alertant sur le projet dans le bourg de Plessix-Balisson est toujours bien accrochée.
Bannière photo : À Plessix-Balisson, la banderole contre le projet de méthaniseur est toujours là. Crédit photo : Manon Boquen
Bonjour,
Je m’y retrouve dans votre combat puisque je me suis opposé en son temps à un projet qui devait s’installer à ma porte. Seul, on ne peut rien. Nous avons frôlé les 400 adhérents, ce qui a fait pencher la balance. C’était il y a 11 ans…
Depuis, je suis devenu administrateur à la Fédération pour l’environnement en Mayenne (FE 53) et je suis évidemment affecté à la méthanisation dans le département.
On peut dire que ça se passe de mieux en mieux. Les porteurs de projet ont bien compris qu’en nous sollicitant en amont, ils s’évitent bien des problèmes.
Quand ce sont les riverains qui nous sollicitent, c’est mauvais signe. Et quand un projet part mal…
Pour ce faire, il faut maîtriser un minimum le sujet et surtout connaître les « codes » des diverses structures administratives et les leviers qui permettent de peser dans ces combats.
Bon courage !
Alain
Merci de votre témoignage Alain ! Bonnes fêtes.
Bonsoir,
Pourriez vous nous dire quel était le méthaniseur (commune et autres nom de SAS
on pourrait échanger directement??
bien cordialement
François Gillet
Merci pour votre combat!
Le même ici!
Ne lâchez rien!