L’utopie enfouie de Troglobal

Texte et photographies de Benjamin Rullier

Après le bourg de Grézillé, commune rurale du sud-est du Maine-et-Loire, les petites routes sinueuses promènent de hameaux en exploitations agricoles. Dans ce paysage de champs décharnés à l’approche de l’hiver, une enfilade de voitures et de camions se détache du relief doucement vallonné. Au bout se cache un village de troglodytes, de caravanes et d’habitats bariolés dissimulés par la forêt. À 27 ans, Troglobal a vu passer des générations d’habitants cherchant un abri pour quelques jours, une halte de voyage, un espace pour construire leur utopie, une communauté pour vivre autrement. Au petit matin et avant la tombée de la nuit, parcourez en images quelques allées de terre humide qui s’ouvrent sur des habitations hors du commun, accompagnées de paroles d’habitants qui restent aussi secrets que leur village.

« PaKo et Zaz ont acheté ce terrain et ouvert ce lieu il y a 27 ans. Dès le début, ils voulaient fournir un lieu d’accueil, alternatif et culturel. Il y a eu plusieurs phases, plusieurs périodes pas forcément évidentes en fonction des groupes qui y ont vécu. Le village est ce qu’il est par les gens qui y vivent. »

« Je suis arrivé en décembre 2021, j’étais déjà venu quand j’avais 19 ans pour un festival, puis voir un pote qui habitait ici. Et puis, les années ont passé. J’étais un peu vagabond, un peu nomade : je squattais les campings et puis j’ai rencontré une fille. On s’est séparés et je me suis retrouvé à la rue. Mon pote m’a dit : « ne dors pas dehors : on est en hiver, viens à Troglobal ». Je devais rester quelques jours et je me suis senti bien alors j’ai posé mes valises. »

« Au départ, on squattait ici dans une toute petite caravane avec deux chiens. Le premier mois, il a fallu s’accrocher. On a demandé de partir au gars avec qui je vivais parce que ça ne le faisait pas avec le collectif. Un pote a libéré son logement et j’ai demandé en réunion si je pouvais accéder à ce troglodyte pour moi, mon chien et pour accueillir mon fils. Ça doit faire 15 m². C’est bien même si c’est assez compliqué, parce que même en plein été, tu dois chauffer chez toi. »

« La plupart des gens arrivent soit en véhicule soit, comme moi, en sac à dos. On peut loger dans la Baleine, qui s’appelle aussi la Grande spéciale : c’est un dortoir collectif dans lequel on peut accueillir une dizaine de personnes en simultané. Ça permet de s’introduire au collectif et à la vie dans les troglodytes. Par exemple : la nécessité de faire du feu en continu. Il y a des cheminées dans tous les logements, il faut connaître ça. Et la Spéciale c’est une cave, ça permet aussi de comprendre ce qu’est son entretien, la gestion de l’humidité, autant pour soi que pour la cave. »