Trop jeunes pour trouver un emploi en intérim mais motivés pour gagner un peu d’argent pendant leurs vacances, des ados de moins de 18 ans s’emparent des propositions des coopératives jeunesse de services et les opérations Argent de poche. Mais le difficile financement de ces dispositifs pourrait bien finir par les mettre au chômage technique…
« Attention, tu vas me renverser de la peinture dessus ! » Malgré la chaleur estivale de cette fin de juillet, les coups de pinceaux s’enchaînent dans la bonne humeur dans la petite maison communale du bourg de Plélo, dans les Côtes-d’Armor, qui sert de local.
Enzo et Thomas, 17 ans, s’attellent à la tâche qui leur a été confiée par la mairie, avec enthousiasme : c’est l’une des dizaines de missions qu’ils ont à réaliser pendant l’été, dans le cadre de la coopérative jeunesse de services (CJS), mise en place par la communauté de communes pour les jeunes de 16 à 18 ans. Une façon pour eux de découvrir le monde professionnel en créant, le temps d’un été, une entreprise coopérative dont l’activité est définie par les participants.
Ils sont huit, venus des communes alentours, à s’y être engagés pour l’été. « On a eu un peu de mal à recruter, avoue Capucine Roncin, animatrice de la CJS. Certains jeunes de 18 ans préfèrent opter pour l’intérim : il y a beaucoup de besoins dans les entreprises du coin. Et dans un territoire rural comme celui-ci, les jeunes ont des difficultés de mobilité, il faut que leurs parents puissent les emmener chaque jour. »
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Occuper ses vacances
Un problème qui ne se pose pas pour Enzo et Thomas. « On fait du covoiturage », expliquent les deux copains, qui viennent de la même commune. Avec leurs camarades, ils ont défini au début de l’aventure les tâches qu’ils pouvaient effectuer. Des petits travaux de peinture, de l’aide au déménagement, du portage de repas, du ménage, du soutien scolaire…
« La semaine prochaine, on va désherber un cimetière et peindre une boîte à livres », sourit Thomas. De quoi occuper ses vacances, lui qui habituellement « ne sortait pas de [son] lit. C’est ma mère qui m’a encouragé à aller bosser. J’ai voulu m’inscrire dans une agence d’intérim, mais à 17 ans, c’était trop jeune. Ils m’ont redirigé vers la CJS. »
Dans la pièce d’à côté, Léa, 17 ans, poste des annonces sur les réseaux sociaux pour promouvoir auprès des particuliers les services que propose la petite entreprise éphémère. Même si les collectivités et les entreprises sont les premiers employeurs des huit apprentis entrepreneurs. Pour Léa, peu importe les missions confiées, le but « c’est de ne pas rester à rien faire. Je déteste m’ennuyer ». Les CJS accueillent chaque été de nombreux jeunes comme Léa qui n’ont pas la chance de partir en vacances.
Dans une étude d’impact de l’utilité sociale des CJS en Bretagne, publiée en janvier 2023, la coopérative Le Cric, qui accompagne des projets d’éducation à l’entreprenariat collectif dans la région, a interrogé une centaine de jeunes ayant participé à des CJS. Près de 60 % des jeunes sondés indiquaient être « très satisfaits » de leur expérience. Sens des responsabilités, confiance en soi, apprentissage de l’autonomie et du travail en équipe sont quelques-uns des nombreux bénéfices que leur aurait apportés le dispositif.
Avec cette expérience, les huit jeunes impliqués dans la coopérative de services de Plélo se sont donnés pour objectif de se verser une somme comprise entre 200 € et 300 € chacun. « C’est peu, estime Capucine Roncin, mais ça leur suffit. Au début, ils viennent pour l’argent. Mais au fil du temps, ils se rendent compte que l’expérience peut les faire monter en compétences. Ils se prouvent qu’ils sont capables de faire des choses qu’ils aiment. » Tous savent pourquoi ils travaillent : Léa utilisera cet argent pour se payer le code, Thomas pour s’acheter un maillot de foot et Valentin a besoin d’un ordinateur pour son apprentissage.
Un dispositif à l’avenir incertain
Dès 2014, la Bretagne a été l’une des premières régions en France à mettre en place des CJS, un concept importé du Québec. Pourtant, cet été, il n’y avait plus que cinq CJS dans la région, quand on en comptait encore dix en 2021.
Si l’étude d’impact de l’utilité sociale des CJS en Bretagne de 2023 a pourtant montré tout l’intérêt du dispositif pour les jeunes comme pour les territoires, aujourd’hui, leur financement est de plus en plus incertain.
« Les CJS sont financées par les collectivités locales, qui ont subi cette année des coupes gouvernementales dans leurs budgets, explique Maëlle Monvoisin, directrice du Cric. Cette baisse des financements de l’État s’est répercutée sur les projets de CJS, qui sont pourtant des dispositifs pertinents qui participent au développement et à la dynamique économique des territoires. Mais aujourd’hui, tout est une question de coûts. On est inquiet sur l’avenir du dispositif en Bretagne, car l’État se désengage de l’économie sociale et solidaire, c’est la réalité. »
L’Union européenne, une piste pour résister
Pour financer sa CJS, Leff Armor communauté, la communauté de communes de Plélo, s’est tournée vers l’Union européenne : elle a ainsi pu, en plus de la participation financière de plusieurs acteurs locaux, bénéficier d’une subvention européenne via le fonds Leader (Liaison entre actions de développement de l’économie Rurale).
Car elle a pour ambition de rapprocher les entreprises du territoire des jeunes qui y vivent. « Les fonds européens, c’est une piste à explorer, mais nous n’avons pas les reins assez solides pour le faire, ça demande trop d’énergie. Pourtant, ça aurait du sens… », estime Maëlle Monvoisin, qui regrette que le dispositif ne soit pas plus défendu.
Pendant l’été, les huit ados de la CJS de Plélo ont donc eu plusieurs moments d’échanges avec des chefs d’entreprises locales. Un bon moyen pour les entreprises de mieux cerner les attentes de ces jeunes quant aux conditions de travail, l’importance de l’environnement de travail ou encore la reconnaissance de leur employeur.
Les missions Argent de poche, une autre façon de travailler
Faute de CJS en place, puisqu’elles se font de plus en plus rares, certains ados bretons peuvent se tourner vers le dispositif Argent de poche, que certaines communes rurales mettent en place pendant les vacances scolaires. Des petites missions de trois heures pour les jeunes de 14 à 18 ans, payées 15 €, et financées pour moitié par la CAF, la caisse d’allocations familiales.
Angélique, 17 ans, y participe régulièrement dans sa commune de Néant-Sur-Yvel, en bordure de la forêt de Brocéliande dans le Morbihan. En février dernier, pendant deux matinées, elle s’est vue confier des petites tâches à la mairie, comme la numérisation du cimetière communal, la rédaction de courriers ou la réalisation de plans sur Excel. « C’était des choses simples et on m’a montré comment faire, raconte la lycéenne. Mais j’ai appris quelques petits trucs. »
Une première expérience bénéfique pour Angélique, qui compte l’ajouter à son CV. Pour elle, ce dispositif, « c’est plutôt bien : ça permet d’occuper ses vacances en gagnant un peu d’argent. Et comme les missions ont lieu le matin, ça ne gâche pas la journée. » Mais ce dispositif a aussi ses limites : le nombre de missions ne permet pas toujours de répondre à toutes les demandes des jeunes. Et si certaines communes peuvent proposer ces petites missions aux ados, beaucoup, dont le budget est plus serré, ne peuvent pas se le permettre.
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Photo bannière : Une des missions de l’été pour Enzo et Thomas a consisté à repeindre une maison communale de Plélo. @Crédit photo : Manuella Binet
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