Festival : Ces jeunes « Kampagn’arts » qui font rayonner leur territoire

par | 3 Sep 2024 | 09/2024, Ruralité

En cette fin de mois de juin, le petit bourg de Saint-Paterne-Racan, situé le nord de l’Indre-et-Loire, se prépare à accueillir les Kampagn’arts, un festival qui veut promouvoir la culture en milieu rural. Créée par des jeunes, la manifestation fédère les habitants et fait rayonner le territoire bien au-delà de la commune.

Toute la commune est sur le pont. Près de la piscine municipale et du stade de foot de Saint-Paterne-Racan se dressent une rangée de barnums. Dernière, c’est tout un espace qui prend vie sous les mains déterminées des bénévoles : deux scènes, des stands destinés à la buvette et à la restauration, un espace de jeux pour les enfants, un lieu réservé pour les volontaires…

Dans le village de 1 700 âmes, situé dans le nord-ouest de l’Indre-et-Loire, à deux pas de la Sarthe, on s’affaire. Le bruit des rires et des échanges se mêlent à celui des talkies-walkies et des perceuses sous une chaleur écrasante.

En cette fin de mois de juin, la commune s’apprête à vivre l’événement le plus festif et fédérateur de l’année, celui pour lequel elle vibre et se mobilise durant de long mois ; le festival Kampagn’arts.

À l’origine, une bande de jeunes

Inauguré en 2007, la manifestation, créée par une bande d’amis de la commune et des environs, a bien grandi. Le festival atteindra bientôt la majorité. Un âge qui fait écho à celui des fondateurs. « On avait 18 ans lors de la création », raconte l’un des trois compères à l’origine de l’événement, Antoine Orgeur, aujourd’hui 36 ans.

Le trentenaire a depuis déménagé en Bretagne mais demeure au conseil d’administration et reste impliqué dans l’organisation tout au long de l’année, chargé, entre autres, de la communication.

Baptiste Poupée, Florent Tétard et Antoine Orgeur s'affairent à la préparation du festival. @Crédit photo : Toinon Debenne
Baptiste Poupée, Florent Tétard et Antoine Orgeur s’affairent à la préparation du festival. @Crédit photo : Toinon Debenne

Des amis et des rêves

Comment ces jeunes ruraux ont-ils eu la possibilité, du haut de leurs 18 ans, de créer un festival qui rassemble désormais bien au-delà de la commune et accueille plus de 9 000 spectateurs pendant deux soirées ?

Leur histoire est liée à un dispositif jeunesse mis en place à l’époque dans la commune. « Entre nos 12 et 18 ans, des animateurs venaient l’été à Saint-Paterne et Saint-Christophe (à côté) et nous proposaient plein d’activités : piscine, tournoi de foot, concours de skate-board, etc. », retrace le cofondateur.

La bande d’amis s’essaie déjà, dans ce cadre-là, à l’organisation de concerts gratuits, avec des petits groupes locaux : « On a monté une petite scène, avec un accès gratuit et sans alcool. On a fait cela pendant deux-trois ans et on s’est dit : « Pourquoi ne pas faire un évènement plus grand ? ». »

Lire aussi : « Si les associations n’ont plus les moyens de se préoccuper de nos jeunes, ils vont déserter nos ruralités »

« Il nous ont aidés »

Les quelques potes rêvent de faire venir le groupe de rock tourangeau As de trèfle qui rayonne sur la scène musicale nationale et en parlent à leurs animateurs : « Ils nous ont dit : « Ok, mais vous avez maintenant 18 ans et le dispositif jeunes s’arrête, donc il faut que vous vous débrouilliez ». Ils nous ont quand même aidés au démarrage pour monter l’association, faire les statuts, définir un bureau », continue le cofondateur, assis sous l’un des barnums.

Alors qu’il raconte cette histoire, que les bénévoles poursuivent, tout autour, l’installation du site, l’ancien animateur jeunesse passe devant lui et le salue, toujours sur le pont lors de cette seizième édition pour donner un coup de main.

Parmi les stands, la jeunesse n'est pas oubliée. @Crédit photo : Toinon Debenne
Parmi les stands, la jeunesse n’est pas oubliée. @Crédit photo : Toinon Debenne

Visibilité et retombées pour cette ruralité

Si As de trèfle ne s’est jamais produit sur la scène de Saint-Paterne-Racan, le festival, lui, a éclos petit à petit et fait désormais rayonner le territoire, explique Antoine Orgeur. « On est très implantés. On est l’une des plus grosses associations du coin. On en aide d’autres, en leur prêtant du matériel par exemple. » Le festival a noué divers partenariats locaux au fil des ans.

« Pour les commerçants, le chiffre d’affaires du weekend est l’un des plus gros de l’année, complète Baptiste Poupée, coprésident, arrivé dans l’association à 16 ans en 2007. Et comme le festival travaille avec des producteurs locaux, cela crée des débouchés. »

Le nom de la commune est désormais étroitement associé à celui des Kampagn’arts. « Quand on donne les noms des groupes, les gens sont étonnés. Cela change le regard sur le coin », ajoute Florent Tétart, l’autre coprésident. « Les médias parlent du festival, il y a de la communication autour de l’événement. Beaucoup de gens viennent sans connaître la programmation, juste pour l’ambiance, rappelle Antoine Orgeur.  Ce festival a enlevé [à l’image de la commune] le côté campagnard. »

Lire aussi : Un champ, du rock indé et de l’inclusivité : 72 heures à l’Orange fest

Kampagn’arts et fiers de l’être

Car le nom du festival n’a rien d’anodin. Si le jeu de mots fait clairement référence à la volonté d’amener et de promouvoir la culture en milieu rural, c’est aussi une sorte de « pied-de-nez », estime Baptiste Poupée.

« Nous allions au lycée en ville. Dès qu’on disait qu’on venait de Saint-Paterne, on nous disait : « C’est où ? C’est hyper loin ! Vous n’avez pas l’électricité ! Vous êtes des campagnards ! » Bah oui, on est des Kampagn’arts, mais avec -Arts à la fin, s’amuse-t-il. Aujourd’hui, c’est par ce nom que l’on nous identifie [plutôt que par celui de l’association, Bouge ton bled, ndlr] ».

Tout un village à pied d’œuvre

Les Kampagn’arts ont aussi vu le jour et pris de l’ampleur grâce à l’aide des amis, des parents et de toutes les bonnes volontés qui se sont associés pour aider ces jeunes à monter leur projet.

Plus de 300 bénévoles, des familles entières parfois, se démènent et s’activent, année après année. « Ici, on a tous les bénévoles… et tous les parents de bénévoles qui sont bénévoles aussi », résume en rigolant Florent Tétart.

Maëlle Bryon est responsable des bénévoles. @Crédit photo : Toinon Debenne
Maëlle Bryon, responsable des bénévoles, est sur le pont. @Crédit photo : Toinon Debenne

« Il n’y a pas un membre du CA qui n’a pas de la famille qui s’investit. J’ai même ma tante qui vient de Paris exprès pour les Kampagn’arts », confirme Maëlle Bryon, 28 ans, arrivée il y a dix ans. Talkie-walkie et portable à la main, la responsable des bénévoles estime à au moins 30 % le nombre de volontaires venus de la commune et de celle voisine, Saint-Christophe

« Tout le village est sur le terrain, confirme Florent Tétart. Cet événement crée du lien entre toutes les générations. Et ça permet de se voir autrement. Une année, une bénévole, la cinquantaine, m’a dit : « En fait, les jeunes sont polis, sont sympas ». Ça change le regard sur la jeunesse aussi. »

Lire aussi : Une journée d’été dans le Perche avec la jeunesse rurale

Des jeunes qui répondent présent

Au détour des installations, on croise tous les âges, mais notamment des jeunes venus prêter main forte, à l’instar de Mateo Gabory, 22 ans, et Basile Gouffier, 23 ans. Le premier, ouvrier agricole, est Sarthois. Le second, technicien lumière, vient de Paris.

Ces deux amis qui n’en sont pas à leur première édition viennent avant tout pour « l’ambiance, la convivialité ». « En région parisienne, les festivals sont beaucoup moins familiaux, analyse le Parisien. Ici, il n’y a pas du tout la même ambiance. On est posés, c’est moins stressant. On ne dort pas beaucoup, mais on partage du temps avec tout le monde. »

Au détour des stands, on croise des bénévoles de tous les âges, et notamment des jeunes comme Tara venus prêter main forte. @Crédit photo : Toinon Debenne
Au détour des stands, on croise des bénévoles de tous les âges, et notamment des jeunes comme Tara venus prêter main forte. @Crédit photo : Toinon Debenne

Un peu plus loin, Tara, 25 ans, peint des décors et personnages de cinéma – thème de cette seizième édition – sur des petites tables. Originaire de Champigny, en banlieue parisienne, elle aussi est venue en famille. « Il y a toujours une bonne ambiance, beaucoup de rire. C’est un bon moment à passer », souligne-t-elle, tout en continuant son dessin de Totoro, célèbre personnage du film éponyme de Miyazaki.

Passer le flambeau

Si tout un territoire soutient ce festival, la charge de travail n’en est pas moins harassante. Les bonnes volontés s’impliquant davantage dans l’organisation du festival et à l’année sont difficiles à trouver, explique Antoine Orgeur, qui ne sait pas encore combien d’années le festival pourra se tenir : « Ce n’est pas facile de faire rentrer de nouvelles personnes dans un groupe déjà formé. Souvent, ce sont des amis d’amis. On lance des appels. »

Certains jeunes ruraux ont quand même à cœur de s’investir pour faire perdurer l’évènement, à l’instar de la responsable des bénévoles Maëlle Bryon. « Être bénévole, ça m’a donné l’envie de rester. Bien sûr, c’est une charge importante à l’année. Il faut avoir envie de s’investir. Mais je n’ai pas envie que ça s’arrête. »

Une expérience humaine

Son frère, Bastien Bryon, 25 ans, lunettes et bob sur la tête, s’attaque aux derniers préparatifs des loges afin que tout soit prêt pour accueillir les artistes. Petit à petit, il a pris des responsabilités, jusqu’à entrer au conseil d’administration. Désormais, il gère les artistes, leurs loges et leurs besoins.

« Je suis arrivé, j’avais 14 ans. Je venais en 50’ (mobylette). Je passais le brevet en même temps que les Kampagn’arts, relate-t-il. Je me suis retrouvé aux entrées. Un vrai coup de cœur. C’était ma première expérience en festival, avec une asso. »

Bastien Bryon, 25 ans et bénévole depuis dix ans, a pris petit à petit en responsabilité. @Crédit photo : Toinon Debenne
Bastien Bryon, 25 ans et bénévole depuis dix ans, a pris petit à petit en responsabilité. @Crédit photo : Toinon Debenne

Depuis, le jeune homme n’a plus quitté l’association, séduit par l’ambiance, les nouvelles rencontres, et cette « grande famille ». « Ce que j’ai vraiment kiffé, c’est l’aspect humain. Ça m’a apporté une ouverture sur les gens. Ça m’a grandi. » « J’ai beaucoup évolué en étant ici, complète sa sœur. Ça forge, j’ai pris confiance en moi. »

La fête peut commencer

Dans le bourg de Saint-Paterne, alors que le soir arrive, c’est l’effervescence. Les automobilistes suivent les indications des bénévoles pour rejoindre les parkings. Des festivaliers plantent leurs tentes sur l’espace prévu à cet effet.

Sur le site, un public intergénérationnel s’amasse dans les allées, venu savourer ce soir d’été. Des jeunes aussi, qui assistent à leur premier Kampagn’arts, à l’instar de Nolan, 17 ans, venu « profiter de la vie et se retrouver entre amis », ou Liloo, 17 ans, qui souhaite « découvrir la musique et faire la fête ». Dans cette ambiance familiale, pleine de joie, les premières notes de musique résonnent. La fête peut commencer !

Photo bannière : Les Kampagn’arts se sont faits un nom, bien au-delà du nord Touraine. @Crédit photo : Toinon Debenne

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La transmission des exploitations sous tension

Pour comprendre les enjeux liés à la formation...