A la veille des élections européennes, un débat réunit une gauche raccord mais divisée dans une ferme en Mayenne

par | 3 Juin 2024 | 06/2024, Agriculture

Alors que la PAC, la Politique agricole commune, représente un tiers des dépenses de l’Union européenne, un débat était organisé, lundi 13 mai 2024, en Mayenne à l’initiative de la Confédération paysanne. Si des candidats issus de trois listes de gauche ont fait le déplacement, aucun candidat de droite n’a jugé bon de se déplacer.

Il y a un mauvais sosie de Raphaël Glucksmann, une banderole de la Confédération paysanne accrochée sous une grange ouverte aux quatre vents et aucun candidat de droite. Lundi 13 mai 2023, « la Conf’ » des Pays de la Loire, de Bretagne et de Normandie a organisé un débat sur l’agriculture en vue des élections européennes à l’issue desquelles 81 eurodéputés français rejoindront le Parlement européen à Strasbourg. « On a invité les têtes de liste, on les a relancés beaucoup de fois », confie Annabelle Monthé-Lopez, animatrice dans la région Pays de la Loire pour le syndicat agricole classé à gauche. « On est sur une élection à enjeux forts pour l’agriculture », insiste-t-elle.

Lire aussi : A bâtons rompus avec Jocelyne Porcher : quel élevage pour demain?

Peut-être que l’enjeu n’en valait pas le débat, car seulement trois des six listes invitées ont répondu présent. Il est un peu plus de 14 h et, à l’abri d’un ciel ronchon, Eudes Gourdon, porte-parole de la Confédération paysanne des Pays de la Loire, amorce les échanges, un peu gêné : « On aura que des partis de gauche, ceux de droite n’ont pas daigné envoyer de monde. Aujourd’hui, on n’entendra pas leur voix. » Les Républicains, le Parti communiste français et Renaissance n’ont pas répondu présent. L’absence de représentant de la liste de la locale de l’étape, la Mayennaise Valérie Hayer (tête de liste de la coalition Ensemble), n’a pas manqué de faire sourire.

En finir avec le libre-échange

En tout, sept candidats issus des listes Europe Écologie Les Verts (EELV), La France insoumise (LFI) et Place publique – Parti socialiste (PS) ont participé aux échanges organisés dans une ferme laitière de Bourgneuf-la-Forêt, commune située au nord-ouest de Laval. « On produit moins de lait qu’il y a une dizaine d’années, mais l’idée était d’avoir davantage d’autonomie », témoigne en guise d’introduction Jérôme Bénézet, propriétaire des lieux avec Céline Fortuné. Avec sa quarantaine de vaches laitières, le couple est en bio depuis 2010 et défend des choix professionnels laissant « du temps libre ». Selon l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, les agriculteurs non-salariés travaillent en moyenne 53,6 heures par semaine.

Lire aussi : Dans les instances décisionnelles, les agricultrices peinent à trouver leur place 

« On a vécu un mouvement agricole historique dans quasiment tous les pays de l’UE », enchaîne Morgan Ody, paysanne dans le Morbihan et coordinatrice générale du mouvement international La Via Campesina. « Ce n’est pas un hasard si le mouvement est né en Allemagne après une baisse drastique des subventions sur le gazole dans un contexte de stagnation des prix. » Voilà le premier des trois thèmes du jour posé : les accords de libre-échange. Foulard vert au cou, Morgan Ody expose qu’« on ne peut pas faire cette transition [écologique] dans un cadre néolibéral qui met en compétition les paysans du monde entier ».

Haricots verts et néocolonialisme

Le premier à prendre la parole est le numéro 6 de la liste de Manon Aubry, l’Angevin Arash Saeidi. En février, ce dernier a été suspendu de son poste de coordinateur pour avoir organisé, contre l’avis de la direction de Génération.s, un vote pour savoir si les adhérents souhaitaient une alliance pour ces élections. Le néo-insoumis dit « partager le constat » de la syndicaliste bretonne et élargit d’emblée le débat : « Ce n’est pas que le sujet agricole. Il faut sortir du « tout concurrence » et remettre de la régulation dans le marché. »

Le débat a réuni sept candidats de gauche plutôt en accord sur la plupart des thèmes abordés. @Crédit photo : Maxime Pionneau

Le suivant à prendre la parole est l’eurodéputé EELV François Thiollet. Celui qui est en 20e position sur la liste de Marie Toussaint évoque la signature, le 18 décembre dernier, d’un accord de partenariat économique (APE) entre l’UE et le Kenya qui entraîne, notamment, « l’importation de fleurs coupées et de haricots verts ». « On reproduit des schémas néocoloniaux… » Assis à côté de Justin Amiot (43e sur la liste menée par Raphaël Glucksmann et lui ressemblant étrangement), Christophe Clergeau se distingue à peine de ses collègues. Actuel député européen et 5e sur la liste Place publique – PS, il affirme être « d’accord pour tourner le dos à la notion même de libre-échange ». Radical le socialiste ? « Il faut que ce cadre alternatif montre qu’on n’est pas contre l’échange, mais qu’il profite à tous. » Ouf. 

Lire aussi : « Si je vote, c’est pour Bardella » : au marché aux bestiaux de Cholet, des agriculteurs tentés par l’extrême droite

« Plus audible si on était ensemble »

La question de l’élevage et de la consommation de viande est ensuite abordée. Sa tablette devant lui, Christophe Clergeau glisse un premier – et très léger – tacle à ses rivaux : « J’ai l’impression que les deux listes avec nous ne vont pas trop loin sur la végétalisation. » Son confrère insoumis le reconnaît pourtant : « On est assez d’accord. » Mais il rétorque toutefois : « Le seul groupe qui n’a jamais donné une seule voix aux traités de libre-échange, c’est le nôtre. »

A côté de lui, Christophe Clergeau toussote et vient le temps du dernier thème consacré à la transition écologique. Les débats se poursuivent dans une sérénité presque ennuyante. « C’est dommage que Valérie Hayer n’ait pas trouvé quelqu’un pour venir, une partie des réponses sont nationales », souffle le candidat Place publique – PS.

Avec un Rassemblement national (RN) qui caracole à plus de 30 % d’intentions de vote dans les sondages, le paradoxe d’une gauche raccord sur la plupart des sujets, mais se présentant divisée, pose question. « Pourquoi le RN progresse en ruralité ? », questionne le candidat EELV. A plusieurs reprises, des piques volent entre Arash Saeidi et Christophe Clergeau. La question du score possible du RN réactive le conflit. Le premier s’agace : « On serait plus audible si on était ensemble. » Finalement, la parole revient à Morgan Ody : « L’extrême droite serait moins forte si les forces politiques mettaient sur la table la question d’un revenu digne du travail. Il faut sortir du modèle néolibéral. C’est comme ça que la gauche sera une véritable alternative. »

Lire aussi : Des Pays-Bas au nord-Mayenne, le parcours européen d’une agricultrice bio

Légende bannière: Lundi 13 mai 2024, un débat a réuni, en Mayenne, sept candidats aux élections européennes autour d’un débat sur l’agriculture organisé par la Confédération paysanne. @Crédit photo : Maxime Pionneau

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *