Florent Piard et ses acolytes sont d’une espèce plutôt pugnace. A eux tous, ils ont fondé en 2015, « Les Résistants » , un restaurant singulier à haute valeur d’équité humaine, qui renoue avec les liens direct à leurs producteurs.
Les Résistants, ce ne sont pas eux comme on pourrait le croire, mais les productrices et producteurs qu’ils promeuvent dans leurs restaurants – le second se nomme l’Avant-poste – , les bergers, éleveurs, maraichers, paysans boulangers, vignerons, pêcheurs qui les entourent et font de cette table un lieu tout à fait unique, et pas uniquement parisien puisqu’une extension de leur imagination se projette désormais à Ploemeur, dans un projet de ferme potagère éducative et restaurative au cœur des landes bretonnes.
La quête des produits
L’idée d’origine était de rapprocher le plus possible la table de la production du vivant, et de réconcilier les systèmes de production avec la réalité de la restauration et surtout ne pas imaginer que faire bon et bio ne serait que l’apanage de gens riches et urbains.
Pour cela, Florent s’est donc enquis de prendre sa voiture et parcourir la France « J’avais avant tout envie de comprendre des systèmes. L’idée était de visiter un maximum de fermes, de parcourir des réseaux, via le bouche à oreille, aller de ferme en ferme et de trouver une corrélation entre le système et la qualité gustative du produit et ensuite trouver une grille de lecture qui réunisse les deux à la fois. »
Le parti pris paysan
Si Florent Piard avale les kilomètres pour disséquer chaque activité, son choix concernant l’élevage se construit à chaque rencontre paysanne. « De l’enherbement des prairies, au choix de la race, sa génétique ou le type de reproduction, l’alimentation des bêtes, le lait, une traite ou deux, je dissèque tout. Et à la fin on se dit quelles sont nos lignes rouges, qu’est ce qui est rédhibitoire pour notre projet, l’ensilage? Pousser les races locales? Et ainsi de suite pour tout. »
C’est donc toute une mécanique intellectuelle qui se construit au fur et mesure et qui amène ce restaurant à devenir progressivement l’antichambre de producteurs, à faire fi des labels tout en construisant une grille de lecture du bien manger. Surtout, en impulsant ce mouvement, Florent et sa bande initient des partenariats longs et fidèles avec des paysans-éleveurs, qui bousculent toute l’économie préexistante de la restauration.
« Si on veut parler de l’agriculture vivante, ce ne sont pas trop des systèmes adaptés pour travailler avec la restauration telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, avec un ou une cuisinière qui va vouloir réaliser son menu et trouver les ingrédients après, et en fonction de ce qu’il ou elle a envie de faire. »
Un partenariat direct éleveur-restaurateur
Et la place de la viande donc dans cet écosystème? L’idée étant d’équilibrer le bilan carbone du restaurant, le privilège premier reste au végétal par souci de cohérence avec la dépense climatique. Néanmoins, une viande est toujours proposée à la carte, qu’elle soit d’origine ovine, caprine, bovine ou porcine, ainsi que des volailles surtout en période festive, ce qui permet d’équilibrer leurs partenariats avec les éleveurs tout au long de l’année : « On travaille avec trois fermes bovines en bio, en système herbe à La ferme des 7 chemins près de Redon ( race bretonne pie noire ), la Ferme du Vern ( race Froment du Léon ) près de Quimper et la petite ferme du Breil ( races jersiaises et Froment du Léon ) dans le Maine et Loire.»
Trouver une économie viable ensemble
En défendant ces producteurs de races locales, Florent et son équipe privilégient ainsi un équilibre bovin entre les systèmes laitiers et allaitants ou comment valoriser au mieux tous les constituants d’une ferme non rentables. Un partenariat construit conjointement avec les paysans.« On les démarche en direct pour la viande et on leur achète des produits laitiers à faible valeur ajoutée, beurre, crème, et aussi des produits à plus forte marge, comme le gwell ou le fromage blanc ce qui leur permet de valoriser par exemple des cochons en carcasse, ou des vaches de réforme ou des veaux mâles. Tout n’est pas simple, notamment vis a vis des abattoirs, mais en faisant ainsi, on double la valorisation de leur lait. Nous on est contents, on a des top produits et on consolide leur système qui est fragile au demeurant. »
Au fil des années, cette démarche génère des amitiés et des fidélités particulières, d’avec « leurs résistants » à qui Florent confère toute confiance pour construire dans le cadre de l’association Slowfood, une Analyse du caractère durable et calcul de l’empreinte carbone de l’activité de
restauration, autrement dit un bilan d’impact de leur activité passé au tamis de tous leurs choix et partis pris. Un travail de longue haleine qu’ils partagent avec les confères du métier au sein de l’Alliance des Cuisiniers avec qui ils cogitent pour le meilleur avenir de nos assiettes.
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