Relevant le défi d’une viticulture sans intrants chimiques, la biodynamie se fait petit à petit sa place dans les différents vignobles français. Dans le Saumurois, Jean-François Régnier a ainsi effectué la conversion du domaine familial depuis plus de quinze ans.
En 1994, Maurice Régnier a été l’un des tout premiers à passer au bio dans le Saumurois. A partir de 2007, Jean-François, son fils, est allé encore plus loin en convertissant le vignoble à la biodynamie. Tous droits réservés.
Au Domaine Régnier-David à Meigné dans le Maine-et-Loire, la viticulture biodynamique n’est pas une lubie. En 2024, cela fera même 30 ans que Maurice, le père de Jean-François, l’actuel vigneron des 14 hectares de vignes répartis entre Meigné, les Ulmes et Forges, décidait de rompre avec les habitudes agricoles de l’époque. Un acte fort dans une famille qui possède « des actes de propriété datant de Napoléon ».
Mais également un acte murement réfléchi comme l’explique Jean-François. « A son retour de la guerre d’Algérie, mon père a été parmi les premiers dans la région à utiliser du glyphosate (un des plus « fameux » herbicides connus – ndlr). Il a été aussi été le premier à revenir en arrière pour passer petit à petit en bio. L’idée lui est venue en 1983 et 1984, quand la grêle a détruit deux années de suite une grande partie de la récolte. Il vendait à cette
époque-là tout son vin au négoce et s’est retrouvé sans rentrée d’argent. Avec ma mère, ils se sont dit que soit ils arrêtaient la viticulture, soit ils changeaient et essayaient de valoriser eux-mêmes leur vin. C’est comme ça qu’ils ont commencé à éliminer pesticides et insecticides, à ressortir les vieilles décavaillonneuses pour labourer et à se lancer dans la vinification. Puis il y a eu tous ces collègues vignerons qui sont décédés d’une tumeur du cerveau… »
En 1994, Maurice Régnier adhère au Groupement des Agriculteurs Biologistes et Biodynamistes d’Anjou, puis à la CAB (Coordination Agrobiologique des Pays de la Loire), passe définitivement en bio.
En biodynamie depuis 2007
Jean-François prend la relève en 2002 et accélère la mutation du domaine viticole en choisissant la biodynamie cinq ans plus tard. Une décision que l’embauche par la CAB d’un technicien en viticulture va largement aider. Chargé d’accompagner les vignerons qui souhaitent convertir leurs vignoble ou qui veulent aller encore plus loin dans leurs pratiques, il permet en effet à Jean-François Régnier de « diminuer de façon conséquente les doses de cuivre et de soufre, tout en luttant efficacement contre le mildiou ou l’oïdium ». C’est ainsi qu’au Domaine Régnier-David, on passe de 7,4 kilos de cuivre/hectare en 2000 à seulement 1 en 2019. Quant au soufre, sa quantité est divisée par deux. Voire même disparaît totalement sur certaines cuvées. Ce qui diminue considérablement son empreinte sur son terroir. Parallèlement, le vigneron va définitivement « supprimer tous les intrants chimiques, insecticides, pesticides, bien sûr mais aussi levures exogènes, enzymes, etc… », tant au niveau du travail de la vigne que de la vinification. En contrepartie, il utilise donc uniquement des composts naturels comme le fumier de vaches ou de volaille, de la silice pour favoriser la photosynthèse, des hydrolats d’hélichryse romaine, de fleurs d’orangers ou de rose pour la régénération des plantes, ou bien encore des décoctions de prêles ou d’orties pour le badigeonnage des troncs. Le tout étant depuis sept ans
préalablement testé au sein du domaine avec l’accompagnement de la CAB, pour vérifier l’importance et la qualité des bénéfices réalisés grâce à ces nouvelles approches culturales.
Les vins de Jean-François Régnier scrutés au microscope de l’œnologue de la Coordination agrobiologique des Pays de la Loire. Tous droits réservés.
Jus de lombric et ombellifères
Jean-François Régnier a ainsi effectué pendant un an un test sur une parcelle pour en savoir plus sur les bienfaits du jus de lombric. Une expérimentation probante puisqu’« il s’est avéré que les rangées traitées avec du jus de lombric ont donné des feuilles plus dures et donc plus résistantes aux maladies comme le mildiou. Egalement plus vertes, elles ont favorisé la photosynthèse ». Résultat : des apports de jus de lombric sont désormais effectués sur l’ensemble du domaine. Pionnier de la viticulture biodynamique en Anjou, Jean-François est évidemment aujourd’hui membre actif de la CAB. C’est d’ailleurs chez lui à Meigné que tous les mardis après-midi, de fin août à fin novembre, l’œnologue de la Coordination analyse au microscope les échantillons de vin des vignerons environnants, « pour être capable d’intervenir sur la vinification tout en
respectant les principes naturels du vivant. » Comme cela a été le cas l’an passé, lorsque l’œnologue constate que les vins de Jean-François fermentent peu par manque de levure. Un état de fait auquel le viticulteur a répondu rapidement en semant un rang sur six avec un mélange d’ombellifères (carottes sauvages, cerfeuil, angélique, fenouil…) « La sécheresse avait eu en effet comme conséquence de réduire de façon importante le nombre d’insectes, principaux vecteurs de dissémination des levures de raisins. En plantant ces ombellifères, on a recréé de la biodiversité et fait à nouveau augmenter le nombre d’insectes et donc la quantité de levures, de façon tout à fait naturelle ».
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