Cofondatrice de l’Oasis « le Coq à l’âme » à Cellettes en Charente, Danièle Bacheré s’est engagée coeur et âme dans l’expérience grandeur nature de cet éco-village. Retour sur son trajet de vie, des clés qui l’ont amené à vivre en collectif en toute sobriété, et sur sa vision des ruralités engagées.
Il est des gens qui ont un coup d’avance, voir deux, c’est certain.
Certainement mus par le désir de liberté, de justice, et de faire société en toute équité, ils ou elles s’engagent complètement et profondément. C’est le cas de Danièle Bacheré, qui, longtemps multi-entrepreneuse à Bordeaux, éprise de l’air du temps à chacune de ses initiatives, – qui pour offrir un service de restauration à domicile sur table, qui pour restaurer du mobilier ancien -, a un jour opéré un pas de côté en décidant de s’occuper des autres.
En accompagnant les parcours de vie de ses concitoyens, Danièle a ainsi tracé le sillon pour son propre parcours, et celui pour lequel elle se passionne totalement, l’intelligence collective.
« J’étais déjà ouverte au monde et la synthèse s’est matérialisée autour des années 2000 avec le mouvement des Colibris et les thèses de Pierre Rabhi pour lesquels je me suis engagée. Pour moi, tout y était, le rapport à l’éducation, l’autonomie alimentaire, la sobriété et surtout mettre enfin l’humain et la nature au cœur du développement. »
Elle crée en somme le terreau fertile pour lancer le prochain chapitre de sa vie. Danièle devient en toute logique actrice au sein du Mouvement Colibris qui, à l’époque grandit au rythme des idées de son fondateur, c’est à dire vite.
Attachée à la mise en œuvre de ses pratiques de développement personnel au service de la gouvernance partagée de l’association, elle contribue à la création du Cercle Cœur Colibris Bordeaux, et anime de nombreuses rencontres publiques lors des campagnes » (R)évolutions des Colibris », jusqu’aux rencontres régionales autour de la création des Oasis en 2014. Partie comme une blague lancée en toute utopie par son directeur, Mathieu Labonne, l’idée de créer partout sur le territoire des Oasis pour répondre à “la désertification humaine, économique et morale dans nos sociétés modernes », prend vite et met le projet en orbite. Consciente qu’un nombre croissant de personnes aspirait parallèlement à des lieux et des modes de vie différents, portant des valeurs de partage, de convivialité, et d’autonomie, l’ONG accueille près de 1000 projets après un an de lancement de l’opération Oasis.
Danièle fait partie de ceux là. En 2016 elle devient instigatrice d’ un projet d’oasis de 20 foyers, l’Oasis du Coq à l’Âme.
« Nous devions d’abord éprouver la force du collectif et faire grandir cette idée en nous, avant de réaliser concrètement la construction d’un éco-hameau. C’était pour nous une des clés de réussite du projet, pour faire croitre le NOUS comme d’une entité forte. »
Il faut bien comprendre alors que pour Danièle, tout comme pour ses 30 coreligionnaires, l’idée est de créer une colonne vertébrale puissante qui puisse soutenir ce futur oasis, et notamment autour d’engagements sociétaux véritablement novateurs.
Danièle Bacheré à droite sur la photo.
Les principes qui président à la création des Oasis tiennent en 5 points, l’agriculture vivrière, l’éco-construction, la mutualisation des moyens, une gouvernance partagée, et l’ouverture sur le monde
Concrètement, Danièle a ainsi animé le groupe pour que le futur du collectif se crée autour de ces pôles de valeurs avec des engagements spécifiques sur l’abandon de la propriété au profit du bien commun, ou de décorréler travail et revenu en créant un revenu commun et unique de 350 euros par mois pour chaque habitant. Voilà de quoi pondérer les promesses de chacun et chacune au projet commun. Mais aussi mesurer ce que sobriété heureuse veut dire, et faire société pour un futur soutenable ensemble. Il fallut ainsi quelques années pour consolider ce groupe et Danièle si elle en était convaincue, dû à son tour d’être convaincante auprès des partants pour l’Oasis. Il fallut
néanmoins 33 visites de terrains, et de construction diverses autour de Bordeaux pour trouver la perle rare.
« Le lien avec le territoire devait être une priorité pour nous tous dans cette recherche de lieu, parce que s’il s’agit d’une oasis, il ne s’agit nullement d’un projet de repli sur soi bien au contraire. Etre acceptés par les institutions pour nous installer était le minimum, pour commencer à créer du lien. »
Résultat des courses, le projet voulait tourner à 45 mn de Bordeaux, il s’agira des Charentes, avec une possibilité de construction en habitat léger, il tombèrent sur une bâtisse historique à restaurer, mais le charme opéra pour toutes et tous de façon unanime.
« Le Coq à l’âme » pouvait ainsi naitre à Cellettes, aucœurdu domaine d’Echoisy
Quatre ans plus tard, Danièle n’en reste pas là, et sa vie est de loin plus intense que dans son ancienne vie bordelaise. Visites, animation du lieu, accueil des publics, des comités scientifiques venus expertiser le site, sans compter sur le travail avec les communautés de communes très aidante à modifier les PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) pour l’évolution autonome des lieux, jusqu’à la dernière marche franchie ces derniers jours par les 30 habitants: la signature de la charte écoquartier du Ministère de la Transition Ecologique qui propulse plus encore le lieu dans l’exemplarité de citoyens engagés de façon éco-responsable.
Pour Danièle et ses comparses, l’Oasis « Du Coq à l’âme » est une réussite, c’est certain.
« Attention, tout ceci est un fragile équilibre, comme la vie du reste. Il faut sans cesse travailler pour que ce point ne flanche pas, que nous puissions toutes et tous exister dans un ensemble harmonieux. »
Un travail qui s’alimente de curiosité et de regards sur l’ensemble des communautés qui se créent aujourd’hui sur l’ensemble du territoire. Et de liens tissés avec celles-ci pour faire avancer l’expérimentation engagée.
« On voit véritablement les gens partir des villes depuis 2019, de façon massive, pour essayer autre chose. Ce mouvement s’est évidemment accentué avec le COVID, un bel accélérateur de l’histoire. Et c’est dans les territoires que tout se joue aujourd’hui. Bien sûr, il y aura du greenwashing, on le sait, mais les choses avancent, et c’est dans cet esprit que nus nous devons de partager notre expérience. »
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